Carnets

Las des bancs d'une l'école sur lesquels je n'avais pas envie d'apprendre, des amphis remplis n'offrant que du temps à égarer pour ceux qui manquent de motivation et aimanté depuis toujours par ce qui nous attend de l'autre coté, j'ai couru les cimetières afin d'y graver les noms des mortels qui ont rejoint l' improbable autre monde et leur dessiner un dernier visage. J'ai rencontré une immense variété de personnes qui du voyou au magistrat venaient à leur grand désarroi de tutoyer une mort implacable et égale pour tous. Cette vie m'a permis de sillonner pendant des années les routes des départements de ma région Lorraine, de la Champagne voisine et de la proche Belgique. Ces épisodes m'ont offert de douces rencontres dans la brutalité des évènements qui les précédaient, ont cloué mes préjugés au mur du cimetière, m'ont obligé à revoir ma vision préconçue d'une vie sans expérience, nourrie par les textes et les chiffres ronds griffonnés et alignés sur la surface des tableaux noirs.
Le tableau que j'ai choisi est plus noir encore, mais il m'a aidé à aimer la vie un peu plus chaque jour avant qu'elle ne s'éteigne.
J'y ai perdu quelques dents mais glané d'inégales anecdotes, quelques réflexions qui laissent de marbre et d'autres nouvelles pas fraîches de l'en dessous.

Ces voyages quotidiens au cœur de ces enclos secrets de recueillement et de mélancolie, m'ont offert la chance d'approcher les grands hommes de bronze qui ont fait l'histoire, de flirter avec les belles femmes de fonte ou de marbre qui peuplent les lieux, de déchiffrer les mystères et les codes qui ornent les bas-reliefs des tombeaux. Je les ai patiemment et passionnément traduits au fusain et à l'aquarelle dans cet inventaire marginal, macabre, et poétique.
Du chaos à l'inattendu, je me suis souvenu...dans le désordre, des morts et des vivants avec qui j'ai pu caresser parfois le bonheur du bout des doigts tout au long de cette drôle d'aventure.
Libérées du tabou, échappées du silence, mes funèbres aventures et mes douces rencontres se sont posées au fil du temps sur les pages de mes carnets de cimetière, mon livre de mort, au gré de mes souvenirs et de mes émotions.